Agronome
En y participant, j’ai dû moi-même me demander : qu’est-ce donc que le travail pour moi? Je n’ai pas eu à réfléchir très longuement. J’ai répondu : un levier de développement personnel et collectif. Puis, en cliquant sur ENVOYER, j’ai eu un petit malaise.
Ma réponse se situait certainement à des années-lumière de celle qu’auraient pu avoir bien des gens, pour qui le travail, nettement moins stimulant, est avant tout une question de nécessité. Il faut bien gagner sa vie, comme on dit. Mettre du pain et du beurre sur la table, quoi. Et moi qui parle du développement personnel et collectif? Allo, ici la terre!
Je me sens vraiment privilégiée d’avoir un emploi qui me comble. Il y a quelques années, l’institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail publiait l’étude Sens du travail, santé mentale au travail et engagement organisationnel. On y disait que, pour être heureux au travail, il faut y trouver du sens. Et on avait défini six caractéristiques qui donnent un sens au travail : l’utilité sociale, l’autonomie, les occasions d’apprentissage et de développement, la rectitude morale, la qualité des relations et la reconnaissance. Je m’y étais totalement retrouvée, parce qu’évoluer en milieu coopératif, c’est un peu tout ça.
L’utilité sociale, n’est-ce pas là l’objectif premier des coopératives? L’autonomie et l’éducation ne sont-elles pas expressément incluses dans leurs principes? Et la rectitude morale, n’est-ce pas là l’éthique humaniste qui les caractérise? Qui plus est, CICOPA (l’organisation sectorielle de l’Alliance coopérative internationale pour l’industrie et les services) révélait, dans un récent rapport, que les personnes qui travaillent en milieu coopératif dans différentes parties du monde ressentent « une combinaison de rationalité économique, de recherche d’efficacité, une flexibilité partagée, un sens de la participation, un environnement de type familial, de la fierté pour leur réputation, un sens de l’identité et une concentration sur les valeurs ». Pas mal, non?
Quelques mois plus tard, dans le journal Les Affaires, Diane Bérard soulevait le paradoxe des gens qui travaillent à améliorer le monde, qui trouvent du sens à leur travail... mais qui finissent par s’y épuiser, souvent faute de ressources. Il est vrai qu’on trouve beaucoup d’organismes communautaires, d’OBNL et d’entrepreneurs sociaux parmi les pourvoyeurs d’emplois à mission sociétale. Or, ces types d’entreprises dépendent bien souvent de bailleurs de fonds pour financer leurs projets. Ce qui n’est pas le cas des coopératives, qui, elles, sont par nature autonomes et indépendantes. Oui, les coopératives fournissent de bons emplois. Il faut le dire. Ce sont des emplois décents, durables et porteurs de sens. Au moment où le milieu du travail se transforme radicalement et où l’on observe une insécurité accrue, une détérioration de la protection sociale et des inégalités encore et toujours croissantes, il est bon de rappeler que le mouvement coopératif mondial fournit du travail à 10 % de la population active. Une contribution colossale. Toujours sous-estimée.
Pas étonnant que l’Organisation internationale du travail (OIT), qui revendique un travail décent pour tous les hommes et femmes dans le monde, ait reconnu sans équivoque l’importante contribution des coopératives. En effet, sa recommandation no 193, présentée en 2002, stipule que les coopératives, sous leurs différentes formes, mobilisent les ressources et stimulent l’investissement, de sorte qu’elles permettent la plus complète participation au développement économique et social de toute la population. L’OIT reconnaît ainsi la compatibilité du modèle coopératif avec la vision qu’elle défend, à savoir que le travail n’est pas une marchandise. Alors, le bonheur au travail, il est où? Il est peut-être, souvent, dans les coopératives.
Source : Le Coopérateur, juillet-août 2018.
Merci à l’auteure et au Coopérateur de nous avoir permis de reproduire cet article.
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